Le palais des gourmands

Ici en région, 12.2023

Rue Germain Chauveau, un bâtiment, a priori banal, recèle de quoi faire revivre au visiteur ses rêves d’enfant. La porte poussée, c’est une caverne d’Ali Baba, unique en France que l’on découvre, mais aussi la vitrine d’un rare et précieux savoir-faire. Bienvenue au Conservatoire de la Confiserie.

LES EFFLUVES DE VANILLE qui planent dans la grande boutique, ne laissent pas de doute sur la vocation de l’endroit. Pour le reste, on penserait davantage à une joaillerie. Les bocaux et sachets de pastilles, berlingots, pralines et pâtes de fruit aguichent le regard comme le feraient des émeraudes ou des rubis, avec sensiblement les mêmes couleurs. Rouge, vert, jaune, orange, turquoise… qui, parfois, se panachent comme pour ces sucettes de toutes les tailles, dont certaines atteignent un bon mètre… Quant aux arômes, il y en a pour tous les goûts. Des plus classiques – Anis, menthe, abricot, groseille, noix de coco – aux plus inattendus tels que cactus, figues de barbarie, coquelicot, jasmin… Rien que des arômes naturels, comme le sont le sucre, le miel ou le café que l’on utilise ici sans modération.

Transmission

À ces bijoux, il fallait des écrins. Les présentoirs sont d’anciens chaudrons à sucre en cuivre rutilant, des vitrines également remises à neuf qui, elles aussi, font la part belle au cuivre et au bois. Ils côtoient d’autres pièces de musée aux matières nobles, glanées au fil des années par le propriétaire de l’endroit. Dans cette maison de conte pour enfants, on pourrait reconnaître Hansel et Gretel, incarnés ici respectivement par Tugdual et Marine. Marine est cheffe de production depuis quelques mois. Tugdual est « animateur-confiseur ». « Il n’y a pas de formation de confiseur à proprement parler, mais de chocolatier-confiseur, où la partie confiserie est un peu délaissée », précisent-ils. Alors c’est Nicolas Viollet qui a parfait leur apprentissage, bien que Marine ait déjà cinq ans de formation en pâtisserie à son actif, et qu’elle soit détentrice d’une coupe « saveur », obtenue lors de la Coupe de France des jeunes chocolatiers confiseurs. Les deux comparses accueillent et guident les visiteurs au sein du laboratoire de fabrication dans une ambiance décontractée et quasi-familiale.

« Les adultes sont au moins autant fascinés que leurs enfants, assure Tugdual. Nous avons tous des souvenirs de bonbons… »

Sauvetage

Un endroit magique, qu’Amboise doit à la passion et à la ténacité de Nicolas Viollet, aux bacchantes soignées. Il représente la troisième génération de confiseurs forains de sa famille. » J’ai fait mes premières pralines à douze ans, confie-t-il. Mais l’élément déclencheur, c’est quand, vers 14 ans, mon père a ramené une berlingotière avec deux bâtis à cylindre, que j’ai restaurée avec lui. » Fasciné par ces machines, il les collectionne depuis, jusqu’à avoir récolté plus de 2 000 pièces ! Une collection qui a accompagné une carrière dense, d’abord en suivant ses parents sur les marchés tout en se formant professionnellement, puis en reprenant une confiserie à Bourges. Il a ensuite voulu « valoriser ce patrimoine et le sauvegarder » en ouvrant un musée. Il se lance en 2019, mais quelques mois plus tard, le contexte de crise sanitaire refroidit les banques, et la nouvelle municipalité d’Amboise s’avère insensible au projet. « J’étais dans l’impossibilité de faire face aux frais fixes, relate Nicolas Viollet, alors j’ai décidé d’ouvrir mon capital. » Deux partenaires potentiels répondront in extremis à l’appel : Maé Innovation, spécialiste des moules alimentaires, et Erwann de Kerros, le globe-trotter bien connu des Tourangeaux, créateur de Terre Exotique, qui a ramené à Rochecorbon des poivres et épices du monde entier. « Je suis d’abord venu visiter le musée, se souvient celui-ci, et j’ai été fasciné par cette initiative. » Après une discussion menée à bord d’une toue sur la Loire, l’affaire s’est faite. Bénéfice secondaire de cette association, le Conservatoire de la Confiserie propose désormais une praline au poivre de Penja…